Le XVIIIe siècle est caractérisé par la mise en valeur du sol non plus en tant qu’étendue mais en tant qu’épaisseur, sous la triple valorisation suscitée par l’essor de la minéralogie puis de la géologie, de l’archéologie nationale et de la physiocratie. La notion de « monument », au sens restreint l’instance de remémoration, et notamment le monument royal, se trouve affectée par une telle évolution. Elle l’est tout d’abord par le développement d’un imaginaire du monument au futur, par avance perçu en tant que ruine. Elle l’est ensuite dans les effets de confusion qui s’opèrent avec le monument entendu comme « ruine naturelle » : avec le triomphe du végétal sur le minéral, le monument tend à s’inscrire dans une histoire de la Terre. Elle l’est enfin dans son rapport avec une histoire nationale dont l’importance devient majeure avant et pendant la Révolution française : la réflexion sur les « débris » du monde ancien et leur utilisation au sein du monument révolutionnaire l’emporte désormais. Historicisation de la nature, « naturalisation » de l’histoire : c’est cette double tension, au sein de laquelle se trouve prise l’image du pouvoir.
Alain Schnapp est professeur d’archéologie à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et chercheur à la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie. Il est ancien directeur de l’UFR d’histoire de l’art et d’archéologie de l’université Paris I et ancien directeur général de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Il a été professeur invité à Princeton, Naples, Pérouse, Cambridge, Santa Monica et Heidelberg. Il est membre correspondant de l’Institut archéologique allemand et a reçu le prix de l’Association des études grecques. Ses activités de recherche ont porté sur trois domaines distincts : l’anthropologie de l’image en Grèce ancienne, l’histoire de l’archéologie et l’étude urbaine des cités et territoires du monde grec.
Étienne Jollet est professeur d’histoire de l’art moderne à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses recherches portent notamment sur la diffusion du newtonisme en France au XVIIIe siècle ainsi que la notion de lieu dans la nature morte en Occident. Il a également consacré des études sur le portrait du roi et sur la notion de monument.