Conférence donnée à l'Auditorium Michel Laclotte, le 20 octobre 2022, dans le cadre du cycle de conférences : « La trace sensible des choses ».
Les peintures de « vanités » héritées du Grand Siècle exaltaient l’omniprésence d’un « Dieu caché », Créateur de toutes choses, illusoirement délectables mais à jamais éphémères à l’aune de l’éternité divine.
Le XVIIIe siècle à rebours se prend d’un goût irrépressible et dispendieux pour les « colifichets » accessoires profanes de la mode et de la vie mondaine.
« J’aime le luxe & même la mollesse / Tous les plaisirs les arts de toute espèce / La propreté le goût les ornements ». Voltaire dans son poème scandaleux Le Mondain publié clandestinement en 1736 énonce ainsi un nouvel ordre du monde où la quête des plaisirs terrestres l’emporte sur les spéculations spirituelles.
En 1740 François Boucher dessine la carte adresse de la très en vogue boutique de luxe « À la Pagode » du marchand mercier Edme-François Gersaint. Tous les objets manufacturés qu’il y rassemble absents ou très minoritaires dans les « natures mortes » de l’époque celles de Chardin en particulier sont en revanche fortement valorisés dans un ensemble remarquable de scènes de genre de la vie moderne peintes par Boucher et ses émules à partir des années 1730. À l’identique les romans mondains de Crébillon et de ses contemporains accordent une parole inédite et singulière à ces objets particulièrement convoités au prix de merveilleuses métamorphoses. Dans ces peintures de la vie profane les colifichets sont les accessoires indispensables d’un monde que l’être humain fabrique à son usage et selon ses caprices affranchi du divin.
Guillaume Faroult est conservateur en chef au département des Peintures du musée du Louvre en charge des peintures françaises du XVIIIe siècle et des peintures britanniques et américaines. Spécialiste de l’art pictural français et britannique du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle il a écrit de nombreux ouvrages et articles sur l’art de cette période.
*En lien avec l'exposition « Les Choses. Une histoire de la nature morte. » du 12 octobre 2022 au 23 janvier 2023 (Hall Napoléon).