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Aphrodite disparue
Mon Louvre par Antoine Compagnon
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Aphrodite disparue
Pas de chance, cette Aphrodite pudique que j’avais mise de côté pour en parler à loisir et que j’avais tant admirée dans un recoin du palais, sorte de mezzanine coincée entre « Le cabinet des clefs » (appellation encore mystérieuse pour moi) au sous-sol des Arts de l’Islam et les galeries dévolues à l’art funéraire du Proche-Orient, eh bien ! elle n’est plus là (Denon, salle 180, E 20501). Toute cette zone est bouleversée. Depuis un an que j’écume le Louvre, le nombre des pièces que j’ai chroniquées et qui ont ensuite disparu me sidère. Comme ce n’est pas pour me narguer, j’en tire simplement la conclusion que le musée vit, bouge, n’est jamais le même d’un jour à l’autre. Sauf les Top Ten, tout valse. Et même parmi eux, La Mort de Sardanapale est revenue, resplendissante de trop de couleurs, mais La Liberté guidant le peuple a été décrochée (Denon, salle 700). Ce qui me plaisait dans cette Aphrodite d’époque romaine, trouvée à Antinoé en Moyenne Égypte (ce qui me plaît toujours, mais virtuellement désormais), c’est la courbe des hanches, la largesse du bassin, l’étroitesse des épaules, la petitesse des seins haut placés, et bien sûr la main posée sur le sexe et qui me rappelle Montaigne faisant l’éloge de la discrétion, laquelle suscite le désir plus que ne le fait l’exhibition : « Il y a certaines choses qu’on cache pour les montrer. » L’Aphrodite pudique et même disparue en est d’autant plus aimable.