La Belle Allemande

Mon Louvre par Antoine Compagnon

La Belle Allemande

Cette femme grandeur nature vous prend au dépourvu à l’entrée de la salle des sculptures de l’Europe du Nord (Denon, salle 169). Avec sa peau rose, elle est entièrement nue. Sa pudeur est toutefois respectée grâce à ses très longs cheveux qui descendent jusqu’au bas des fesses et lui couvrent heureusement le sexe. C’est Sainte Marie Madeleine ou Madeleine pénitente, ou encore La Belle Allemande, prostituée repentante suivant la légende médiévale. Cette statue de bois polychrome aux traits réalistes, attribuée à Gregor Erhart, artiste du XVIe siècle, fit partie des confiscations nazies sous l’Occupation, comme toutes les œuvres allemandes, prétendument acquises dans l’illégalité. Hermann Goering s’était appropriée La Belle Allemande pour son château de Carinhall. Quand Rose Valland, la conservatrice qui consigna bravement les spoliations de l’ERR (Einsatzstab Reichsleiter Rozenberg) entreposées au musée du Jeu de Paume entre 1940 et 1944, la retrouva à Munich après la guerre, on dit qu’il lui manquait deux doigts. J’ignore lesquels.