Yoga chez Sargon II

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Yoga chez Sargon II

Je comptais traverser la cour de Khorsabad sans y faire halte (Richelieu, salle 229), à la recherche d’un escalier menant à l’étage afin d’aller voir la tabatière du duc de Choiseul, mais je suis resté pétrifié en chemin, immobilisé, paralysé, incapable de poursuivre ma pérégrination. Un cours de yoga se déroulait dans le palais de Sargon II (de yoga ou de Pilates, car la différence m’échappe un peu). Une vingtaine de jeunes femmes souples, chacune posée sur son tapis comme une statuette égyptienne, sa brique de liège posée à côté d’elle tel un appui-tête mésopotamien, suivait les instructions d’une coach qui eût pu être un officier du roi assyrien. Je m’accroupis au sol à leur manière et les observai longtemps, me rappelant un roman de Zola, je ne sais plus lequel, où une noce éméchée se rend au Louvre après un déjeuner prolongé et s’extasie devant les taureaux de Khorsabad. Une joyeuse bande de noceurs en équipée, une laborieuse et sage classe de gymnastique, d’un siècle à l’autre, voilà combien la destination du Louvre s’est métamorphosée.